Samedi 29 janvier 2011 à 15:33

 Grosse nuit encore une fois, je crois que je vais annuler tout ce que j'avais prévu de la journée pour dormir et récupérer un maximum. J'aurais encore cette impression de ne faire qu'une sieste entre deux nuits de boulot, mais j'ai vraiment besoin de ça aujourd'hui.
Même si ce n'est pas en accord avec la maison, il y a toujours des ardoises. Difficile de savoir quand on sera vraiment payé mais la plupart sont les seuls clients réguliers.
La Tige est interdit d'accès, à force de partir sans payer il nous doit plus de 20 dollars. Vap'Man, comme à son habitude s'endort devant son café. 10 cents plus les 60 de la semaine. Il ne paiera jamais la totalité du premier coup assuré que comme il ne touche pas son café il n'a pas à le payer. Le Chat, un Pepsi et deux cafés donc 35 cents. Il est parti comme une furie ce soir. Bob - qui me doit 20 cents - n'a même pas compris sa réaction. Judith ne veut pas payer les deux thés, 16 cents, de son pote mais je vois à quoi il ressemble même si son nom m'a échappé. La seule à être réglo est bien sûr celle que je supporte le moins. Cette catin qui se prétend catholique en se baladant avec sa croix sans cesse et qui fait le trottoir à longueur de journée. Anne pourrait mieux finir, ce n'est pas la plus stupide de toutes les putes du coin. Elle avait un avenir qu'elle a préféré gâcher. Bref, il y a encore eu quelques trafics devant le café, quelques types bourrés, défoncés, ne tenant plus debout et ce fameux philosophe clochard, Al. On peut dire qu'il était bien le seul à égayer cette nuit entre tout ce petit monde dépravé. La plupart je les ai à l'oeil et ils le savent. Au moins une chose qu'ils comprennent dans mon café : pas de trafic, pas de conneries égalent pas d'emmerdes.
Ma tête est sur le point d'exploser. J'ai vraiment besoin d'une bonne dizaine d'heures de repos. C'est bien tout ce que je peux me permettre d'ailleurs.

Jeudi 27 janvier 2011 à 17:05

 Encore une fois, j'ai eu bien du mal à me lever. Ce travail de nuit commence à m'éreinter et j'ai toujours du mal à supporter ceux qui fréquentent le café. Toujours les mêmes, toutes les nuits, tous complètement défoncés par le premier truc qui leur tombe sous la main quitte à en payer le prix voire de leur corps. Ces mecs qui ne parviennent plus à tenir debout. Ces femmes souillées par n'importe quel péquenaud. Et vice versa. Et tout cela me fatigue. Je me sens fatigué physiquement et psychologiquement. J'ai beau avoir envie de sortir quelques personnes de ce merdier, je n'en sens pas le courage et vient seulement le dégoût car je ne peux rien y faire. C'est comme ça. Tout simplement. C'est comme ça que ça se passe ici. Et quand un type s'en sort ou qu'il meurt, un autre plus jeune vient prendre sa place. Quand je prie pour, ne serait-ce que l'un d'entre eux, qu'il se réveille et se relève la tête droite, marchant droit sur un chemin moins sinueux, je me dis autant devenir dealer. Au moins je contrôlerais le flux de dope qui circule dans le café et donc le quartier. Cette nuit ils étaient tous amorphes, avachis, affalés, mous et  ne pensent qu'au peu d'argent qu'ils dépensent dans la drogue et au sexe qui leur permet de récupérer encore quelques doses. Néanmoins, grâce à eux, je sais que je peux aller plus loin dans la vie. Mais aller où ? Autant me perdre dans une rue sombre et faire un dernier voyage dans leurs délires. Ne jamais revenir, abandonner ce café, cette vie, cette merde. Ces cons, au fond, j'les aime bien, j'm'y attache. Je ne peux pas les supporter. Mais je sais qu'ils ont quelque chose au fond de leur coeur mais ils ne se rendent pas compte de tout ça tellement la dope les bouffe dans tous les sens du terme. Ils ont besoin de moi comme j'ai besoin d'eux. Ce qui me donne l'impression que le café m'appartient plus qu'à Frank. Ils forment un tout. Et je fais partie de ce tout.

<< Page précédente | 1 | Page suivante >>

Créer un podcast