Lundi 28 mai 2007 à 1:54

J'ai cessé de chanter. J'ai cessé de me ronger les ongles de pied. J'ai cessé de mordre le chien. J'ai cessé de me laver les cheveux. J'ai cessé de prendre mon pied. J'ai cessé de boire. J'ai cessé d'insulter mes parents. J'ai cessé de revendre mes plantes. J'ai cessé de renifler la neige. J'ai cessé de dormir. J'ai cessé d'écouter. J'ai cessé de parler. J'ai cessé d'écrire. J'ai cessé de manger. J'ai cessé de jouer. J'ai cessé de travailler. J'ai cessé de rêver. J'ai cessé de vomir. J'ai cessé de me laver. J'ai cessé de caresser le chat. J'ai cessé de faire la vaisselle. J'ai cessé de sortir. J'ai cessé de prier. J'ai cessé de jurer. J'ai cessé de sortir les poubelles. J'ai cessé de m'habiller. J'ai cessé la masturbation. J'ai cessé de fermer ma porte à clé. J'ai cessé de lire. J'ai cessé de croire au Père Noël. J'ai cessé de taper. J'ai cessé de me curer le nez. J'ai cessé de me lécher le coude. J'ai cessé d'embrasser les inconnus dans la rue. J'ai cessé de tuer les moucherons innocents. J'ai cessé de marcher. J'ai cessé de courir. J'ai cessé d'acheter des bouteilles d'eau. J'ai cessé d'oublier. J'ai cessé de cesser.

J'en avais assez de cesser, ce sont ces concessions qui font sécession, en somme, sans ces soirées cassées, je ne serai pas là, à cacher mes ardeurs, mes folies, je ne cesse de me reprendre en main, à me dire, non, la vie n'est pas de rester cloitré entre quatre murs, ni de taper du pied, ni de porter sa jambe fatiguée par des fesses mal assises...

J'aime regarder les oiseaux, j'aime quand les chats se battent, j'aime sentir l'herbe fraichement tondue, j'aime beaucoup mais parfois je hais, oui, je hais regarder les oiseaux, je hais quand les chats se battent, je hais sentir l'herbe fraichement tondue. Je hais et je suis...

Car le plus important n'est pas haïr mais être et je hais haïr les êtres qui ne sont pas...

Il y a de quoi avoir peur, en effet...

Lundi 21 mai 2007 à 18:28

Pissons, pissons à la santé des poissons poisseux. Hier je suis allé pécher. J'ai posé ma canne le temps de me soulager la vessie, après deux coups braguettes je suis revenu et la canne avait disparu. J'vous raconte pas la misère, j'venais de l'apporter au garage, j'en avais eu pour 400€ de ficelles, les burnes en feu j'suis reparti dans mon 4x4, là j'ai pas fait gaffe à Mémé, celle qui tremble, celle qui est toujours en ryhtme dans les boîtes et qui fait des blancs en neige en moins de deux, Mémé, elle sortait prendre son journal comme chaque matin, même si le facteur ne passe pas, Mémé est toujours là, onze heures pétantes, les cheveux blancs bouclés, la chemise de nuit trouée et les pieds qui traîne, elle fait tout ça en slow-motion saccadé avec multiples flash-backs. Et nous nous sommes rencontrés, c'était assez percutant d'ailleurs, comme rencontre, un vrai choc, à vrai dire, l'orage en plus et c'était le coup de foudre. D'ailleurs en parlant de coup. Tout à l'heure, j'étais chez mon père et on en buvait un, y'avait un type dehors, le genre de type qui promène son chien à midi pour éviter les crottes dans le jardin, celui qui siffle tout le temps un air de western avec ses chaussures en cuir et toujours le petit lacet qui pend sur le côté droit de la chaussure droite, toujours, sauf qu'aujourd'hui, son chien n'était pas là, pas une trace de merde rien, seulement une pelle qui voyageait sur le dos du type, avec un peu de terre au bout et quelques poils de chien, je crois que cela a été la goutte qui a fait déborder le vase...

Comme quoi ce n'est pas si facile de parler, de parler, de porter et de changer de chaussures sans se tromper de main, comme quoi, parler la bouche ouverte c'est toujours plus simple que de donner des arguments sur l'existence de Dieu, comme quoi raconter une histoire sans conjuguer ça n'arrive pas qu'aux étrangers, comme quoi une chaloupe échouée a toujours plus de classe qu'un blanc en neige raté...

Le passé, c'est pas mon truc, parler au passé, c'est pas mon truc, j'suis trop ancré dans le présent, j'arrive pas à me détacher, à me dire "Bon, allez, je lève l'ancre et je dresse les voiles vers le passé", mais le vent, et le temps, va toujours de l'avant, alors essayez d'avancer à contre-courant, on chavire, on saborde, on coule. Je préfère rester calme, garder les pieds sur Terre, l'ancre à la mer, les voiles baissées et j'attends que le temps passe, j'attends que la tempête se calme, j'attends, j'attends, je change de position parce que j'ai des fourmis un peu partout, non, je me réveille, j'ai des fourmis un peu partout, même si je change de position, elle m'attrape, je suis pris, je suis fait, on m'emmène dans une ruelle sombre et imaginez des milliers de fourmis en train de faire la danse du ventre, à chanter des chansons paillardes et à aduler Josephine Baker...

Tout ça, ça fout un trou, un gros trou dans l'atmosphère, et ça, j'en ai pas une gueule, pourtant j'en ai des trous moi aussi, j'en fais pas tout un plat, tout le monde craint les trous noirs mais tout le monde en a un, les sacs à merde...

Je vous promets, tout ceci changera, tout ceci évoluera, ce n'est pas une victoire, c'est ma victoire, je vais faire de ce monde, un monde à moi, peut-être meilleur pour vous, mais jouissif pour moi...

Tuons, brûlons, pillons, violons, comme au bon vieux temps, quand les cols blancs tuaient, brûlaient, pillaient et jouaient du violon dans les grandes cours, celles avec des arbres, des jeux pour enfants et des dessins à la craie sur le sol. La cour de récré c'était l'anarchie, il y avait les forts et les faibles et il valait mieux être dans le bon clan. Les indépendants, les mercenaires, ceux qui se font payer pour voler des billes à la gamine et pour tabasser le petit à lunette sous le toboggan, ceux qui dénoncaient de faux-coupables aux instituteurs et qui étaient les fils du directeur, celui avec la queue de cheval, le drôle de pédophile...

C'était atomique...

Mais je ne vous promets rien...

Dimanche 13 mai 2007 à 12:28

Non, mais, voyez-vous, dans ce rituel un tant soit peu dramatique, l'Homme se couvre de ridicule, mais, le ridicule est transparent, voire inexistant, le ridicule ne tient pas chaud l'hiver et le ridicule ne protège par des rayons du soleil, le ridicule laisse passer le vent et le ridicule n'est pas imperméable. Le ridicule peut se sentir ridicule, oui, car, il n'est même pas capable de faire de mal, le ridicule ne tue pas, le ridicule n'est pas une bactérie, ni un virus, le ridicule ne se transmet pas sexuellement et le ridicule ne se trouve pas dans des brocantes, des marchés aux puces, des centres commerciaux, le ridicule ne rend pas aveugle, ni sourd, ni muet, le ridicule, le ridicule...

Je sais, je sais, je comprends, tout ceci commence à devenir ridicule, mais le ridicule n'est rien, alors à quoi bon, si tout ne mène à rien, si la vie ne mène à rien, la vie mène au ridicule, nos vies sont ridicules, nos morts sont ridicules. C'est ridicule de vivre...

Je ne vous propose même pas d'imaginer une chose ridiculement ridicule, cela serait plus que ridicule, mais, plus que rien, c'est tout. Ridiculement ridicule, c'est tout...

Si je pousse à bout tout ceci, ce que je relate, raconte, vous raconte, si je continue encore plus loin, déjà que je suis ridicule, je deviendrai ridiculement ridicule...

Ainsi, en quelques mots, en un mot, ridicule, je parviendrai à tout dire...

Je trouve cela ridicule de parvenir à tout dire, car si tout est dit, il n'y a plus rien à dire, mais le ridicule n'est rien. Je ne dis rien en disant tout ce qu'il y a dire, comme quoi on ne peut pas tout dire...

Surtout, quand il n'y a rien à dire...

Mardi 8 mai 2007 à 3:27

En me pesant ce matin, après avoir gentillement déféqué, je me suis pesé, et, pour la première fois de ma vie, de toutes mes vies, j'ai atteint la barre des soixante-dix kilos, oui, vous ne rêvez pas, septante kilos, je ne les ai pas encore dépassé, seulement atteint...

Dois-je donc suivre un régime strict, légumes, yahourt sans matière grasse et fruits décontaminés ?

Dois-je reprendre le sport pour effacer toute cette masse graisseuse et raffermir mes formes ?

Dois-je arrêter la bière ?

Disons que j'en consomme une fois par jour en moyenne depuis deux bons mois, voire plus, me dit mon chat, disons que j'aurai pu perdre mon permis si on m'avait chopé à cent soixante kilomètres par heure au lieu de quatre-vingt dix, disons je suis à deux doigt d'arrêter mes études, disons que je suis à un pouce de vivre en autarcie ou de déménager dans une cave sombre et oubliée pour m'adonner à tous mes fantasmes juvéniles "Oh ma maîtresse"...

J'ai tout dit, ou presque, j'ai bronzé aux mains et ma cicatrice se porte bien, je suis sur un projet, la crème a séché, les fraises mangées, maman a repassé et papa tondu la pelouse...

Décidément...

Dimanche 6 mai 2007 à 17:12

Il est seul. Il est détesté. Seul et détesté. Cet homme aime. Il aime sentir l'odeur de la rosée du matin, l'herbe fraîchement tondue, la sève des arbres, le craquement des feuilles mortes, la pluie ruisselante, le tonnerre, les éclairs, le pain perdu, le poisson, la viande rouge, marcher seul dans la rue en écoutant une tendre musique, dormir sous un arbre, boire un verre dans un bar enfumé, se jeter dans un tas de foin, monter des escaliers à cloche-pied, les femmes : il aime la vie.
Il est beau, gentil, attentionné, drôle, intelligent, et possède une quantité d'autres qualités qui font de lui un être parfait, mais, il ne peut être aimé…

Il est maudit…

Dès son plus jeune âge, quand on apprend à compter, lire et écrire, il subissait cette malédiction : assis, il s'amuse à donner vie aux objets de sa trousse, son stylo plume, son effaceur, son taille-crayon, un petit monde rien qu'à lui qui le tient à l'écart des autres. Ce qui attire l'attention d'une petite écolière, curieuse de voir un tel garçon s'isoler des autres. Les petits amours d'écoliers, les amours que l'on avoue qu'une fois adulte. Elle passe son temps à le regarder, à s'imaginer des histoires. Il continue de faire évoluer son monde, sa trousse est une station spatiale. Elle tombe amoureuse de lui. Elle garde cela dans son cœur, dans sa tête, et écrit son nom dans son journal intime, le petit journal rose avec des cœurs, et des mots doux à son attention. Sa trousse devient un autobus intersidéral. Après plusieurs petits carnets roses plein de cœurs, après une ferme martienne et un monstre galactique, elle traverse une rue sans regarder et un camion la fauche.

Au collège, son monde a bien changé, il a changé sa navette spatiale pour une nouvelle trousse. Quand on apprend que l'Homme s'entretue, il prenait sa malédiction pour de la malchance. Il est toujours dans son monde. Il cache dans ses poches des petits bouts de papiers en boule sur lesquels il écrit un mot, des petites pilules qui le calme quand son humeur se détériore. La préadolescence et les premières questions qu'on se pose, les personnes qui s'introduisent dans son petit monde, celles qu'il laisse entrer, la découverte du sexe opposé. Les filles. Elles sont curieuses de voir un garçon qui ne se laisse pas faire, qui assume son comportement, sa personnalité, son physique. Elles l'observent, elles en parlent entre elles, elles se jalousent, elles se battent pour qui va l'avoir en premier. Il avale ses pilules en papier et arrache une manche son t-shirt. Elles n'osent lui parler, trop impressionnées, trop peur de sa réaction. Son monde évolue, des phrases se construisent sur les bouts de papier, il n'ose pas parler aux filles, elles sont si différentes. Elles parlent de ce garçon à leur peluche intime, la peluche à qui on dit ce que l'on n'ose dire, la peluche qui ne juge pas, la peluche qui permet aux filles de lever un poids sur des questions sans réponses. Vient de là, peut-être, la maturité précoce des filles : des conseils silencieux de leurs peluches intimes. Il avale trois pilules de papiers après avoir remis à sa place un type qui voulait ses baskets. Elles n'en peuvent plus et viennent lui dévoiler leurs sentiments par une lettre anonyme et parfumée. Il sourit jusqu'aux oreilles, et s'endort le soir, l'esprit heureux de se savoir aimé. Le lendemain. Une fille s'est taillée les veines dans sa baignoire juste pour savoir comment ça fait. Une deuxième est décédée d'un accident de voiture après un restaurant avec ses parents. Une troisième a subi la colère de son père, la tête fracassée contre l'écran de télévision. Une quatrième a mangé la mort aux rats qui traînait au fond du garage. Une cinquième poignardée par un violeur furieux.

Le lycée, un nouveau monde, son nouveau monde, son nouvel eldorado, son nouveau paradis ? Tout a encore bien changé chez lui. Il a jeté sa trousse usée et trouée. Mais sa tête voyage toujours, dans les nuages, dans l'espace, dans le vide. Quand on apprend que vivre n'est pas comme dans les films, quand on réalise que Dieu n'est qu'un avatar de la bêtise humaine et que la Liberté ne se trouve parfois que dans la Mort mais que le suicide n'est pas une libération. Quand on balance entre l'insouciance de l'enfance et la violente réalité. Quand on a toujours l'Espoir dans l'inespéré. Il vit toujours dans son monde, un monde qui s'agrandit, un cœur qui s'agrandit quand il tombe pour la première fois amoureux. Une fille, comme lui, distante, qui ne regarde pas les gens dans les yeux, car c'est au fond des yeux qu'on voit la véritable personnalité. Une fille assise au fond de la classe et qui gribouille sur son papier, la tête baissée, les cheveux devant les yeux, son pied gauche qui tape tout le temps sur le sol à un rythme irrégulier, son nez qui respire l'hypocrisie de ses camarades de classe. Elle n'a pas d'odeur. Le soir, il se fait des films, il s'imagine la rencontrer, il s'imagine lui parler, il s'imagine. Il rêve. Un jour, après deux ans d'amour secret, quand tous les groupes d'amis se rassemblent dans leur QG sur le parking de lycéens, entre chaque bancs, elle, assise au pied d'un mur, attend. Il sort, claque ses deux pieds et s'envole sur le toit du lycée, il rouvre les yeux et avance vers elle, il déballe tout. Elle accepte. Ils claquent des pieds et s'envolent sur le toit du lycée. Ils rouvrent les yeux, se sourient et s'embrassent. Il est heureux, elle le découvre, elle l'apprécie, elle l'aime, elle meurt.

Il réalise, depuis tout ce temps, depuis tout petit. Il comprend la mort de sa mère à sa naissance, la fuite de son père quelques mois plus tôt. Ces filles mortes. Il doit vivre avec cela.

Son monde s'évanouit. Des femmes meurent autour de lui, par amour pour lui, inconsciemment. Il veut dire stop. Il pense aux différentes solutions. Mourir. S'enfuir. Se faire détester. Il change, envers elle, il devient odieux, insolent, insultant, les rabaisse, les insulte. Et il décide de ne plus aimer. Il sort le soir, dans des bars à poissons, pour se fourguer une nana pour un soir, pour une baise dans une chambre, l'amour jetable. De quoi se satisfaire sans provoquer la mort. De quoi tenir le coup pour ne pas désespérer.

Jusqu'à quand ?

Jusqu'au jour où une femme menace de l'aimer, une femme incarnée par sa personnalité. Il ne peut pas ne pas l'aimer mais il ne peut pas la tuer. A quoi bon. Son monde n'est plus depuis longtemps. Elle ne l'aime pas. Il ne l'aime pas. Mais ils se rencontrent, se parlent, font l'amour sans amour et s'avouent tout.

Il avoue sa malédiction. Elle avoue que chaque homme qui l'aime meurt.

Leurs mondes ont disparu depuis des années. Depuis qu'ils ont réalisé. Et ils se sont trouvées, pour bâtir un nouveau monde, un monde pour deux, un monde pour s'aimer, un monde pour mourir, ensemble.


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