Mercredi 23 mars 2011 à 22:28

 Tu es encore réveillée ? Que fais-tu à cette heure si tardive ? Il n'y a pourtant pas grand chose à faire ici... Mais avant tout, écoutons le silence qui nous entoure...

A présent, je te proposerai bien plein de choses à faire pour finir la nuit, mais j'ai bien peur que cela ne te tente pas. Car d'abord tu peux penser que je suis un tordu avec des idées pas très nettes. Ce qui est ton droit, bien entendu. Et ce qui n'est pas entièrement faux étant donné que je reste un homme. Je t'invite donc à prendre cela comme une aventure. Partir je ne sais où, à découvrir je ne sais quoi. A découvrir le coin, à nous découvrir l'un l'autre, nos passions, nos envies, nos désirs, nos secrets. Enfin, je dis ça mais je ne cherche qu'à provoquer les choses même si au bout cela ne mène à rien. Ce qui est faux. Car ce serait déjà une rencontre qui marquerait nos esprits...

Au fond de toi, et cela peut être très profond, tu hésites. Je le sais, je le sens. Et tu te retiens parce que tu ne sais pas ce qu'il pourrait se passer ni qui je suis. En même temps, c'est pareil de mon côté. Je balance ce genre propositions parce que je n'ai rien à perdre. Et au fond de moi je me dis que tu n'accepteras pas, que c'est peine perdue. D'ailleurs, je ne sais même pas comment je réagirais si tu disais oui. Si ce n'est en me répétant ce que je viens de dire. En m'encourageant de partir à l'aventure et de prendre mon courage à deux mains. L'inconnu. L'imprévisible. Peut-être le début d'une histoire et la fin de notre solitude que nous confortons par la peur. La peur de chaque être qui nous entoure...

Mais tout ce qui importe c'est de profiter de l'instant présent. En ce moment, profites-tu vraiment de l'instant présent ? A rester ici, à ne rien faire. A écouter un type qui raconte n'importe quoi. Comme chaque soir. Et tu t'endormiras et là tu te mettras à rêver. Des aventures plein la tête, des aventures improbables que tu aimerais vivre alors qu'en te réveillant tu resteras au fond de ton lit, un café à la main en te remémorant cette nuit et ce rêve. Tu te lèveras en hésitant à parler au type inconnu qui te plaît dans le métro alors que dans ton rêve vous riiez à tue-tête parce que vos mains se sont effleurés par hasard. Tu attendras de lui qu'il fasse le premier pas. Et lui attendra la même chose de toi et vous vous séparerez avec un dernier regard et vous regretterez de ne pas avoir bougé le petit doigt. Parce qu'il y avait trop de monde autour ? Non, tu te sentiras bien seule à ce moment-là...

Je suis cet inconnu qui te parle à présent. Et je t'invite à me rejoindre dans mon rêve. Le rêve, au moins, c'est déjà ça de gagné. C'est ce qui nous tient en vie. Ecoutons une nouvelle fois le silence qui nous entoure...

A présent, je te propose que l'on s'allonge côté à côté, nous nous regardons droit dans les yeux et tu essaies d'apercevoir mes rêves dans mes yeux et ensuite ce sera à mon tour. Puis nous fermerons les yeux, nous nous endormirons et le lendemain matin nous vivrons tout ceci pour de bon...

Jeudi 3 mars 2011 à 16:49

 Le jour se lève. Je reprends peu à peu mes esprits et réalise que j'ai passé quelques heures inertes sur le sol. Un parquet brillant et sympathique. J'ai un peu mal partout mais j'ai l'impression d'interpréter différemment tout ce que mon corps ressent. Comme mes cheveux qui poussent. Je me trouve dans une pièce vide. Seuls quelques parapluies ouverts et posés à même le sol m'entourent. Même en frottant mes yeux je ne parviens pas à reprendre mes esprits. Ils ont sûrement dû fuir durant la nuit. Tout est parti durant la nuit. Mes esprits, les bouteilles sont désormais vides et mes souvenirs enfouis. Quelqu'un tape, de plus en plus fort. Je crois que j'ai réussi à piéger un esprit dans mon crâne. Il doit vraiment se sentir mal ou seul pour vouloir s'échapper ainsi. Je commence à reprendre le contrôle de mes jambes et parvient à me lever, difficilement, mais me voilà debout. Prenant appui sur le mur, mais debout. C'est un peu humide tout de même. Il reste un paquet de cigarettes écrasé dans ma poche, contenant une et une dernière cigarette. Je la porte à la bouche, la main tremblotante. Tout en cherchant de l'autre main, pas aussi sûre, un briquet, quelque part ou n'importe quel autre objet pouvant faire du feu. Miracle, en voilà un qui traîne dans le paquet, justement. Je n'avais pas remarqué au premier coup d'oeil, et ce n'est pas dans mes habitudes de laisser le briquet dans le paquet. J'allume enfin la cigarette. La fumée envahit mes poumons, je tousse. On suffoque un petit peu ici. Il fait humide, chaud. J'ai l'impression d'être trempé de sueur mais quand je m'essuie le front, il est sec. J'ouvre la baie vitrée menant à un balcon, l'ai y est tout aussi humide, mais il y fait frais. Je sors donc et prendre une grande inspiration avant d'inhaler, une nouvelle fois, une bouffée de cigarette. J'aperçois également allongée sur le balcon une belle blonde. Elle me paraît toute légère et je pense que cela ne peut pas me faire de mal. Elle doit être bien fraîche. Je m'approche d'elle le briquet en main. Tout doucement, pas de gestes brusques, j'ai encore du mal à tenir debout. Mais peut-être pourra-t-elle faire s'échapper ce dernier esprit déterminé qui n'en finit pas de taper. Voilà la blonde entre mes mains, je la décapsule à l'aide du briquet. D'un geste sûr, presque automatique. Un réflexe. Je la porte à mes lèvres et je sens sa fraîcheur descendre le long de mon oesophage. Bon Dieu que ça fait du bien. Ça et quelques bouffées de cigarette. Un bonheur. Une main sur la rambarde je me penche pour observer le paysage. J'aperçois des petits points et des petits rectangles se balader dans les rues. Un type sur un balcon, d'un immeuble en face prend également l'air. Il est en peignoir et tient un mug fumant dans la main. Subitement, je sens mes pieds rafraîchir. Je les regarde et m'aperçois qu'ils sont nus. Mes sens ont l'air de revenir, on dirait. En relevant la tête, j'observe le ciel, cette fois. Il est bleu, pas un seul nuage ne le traverse. Seul un petit vent frais qui caresse mon visage. Je me mets à le caresser également de ce fait. Une petite barbe naissante. Des paupières lourdes et le nez qui commence à couler. Je renifle brusquement et si fort que cela revient au fond de ma gorge. Par réflexe, j'avale. Un goût étrange, inhabituel. Mais je n'y prête pas plus attention et fini ma cigarette qui commence à consumer le filtre. Puis quelques gorgées de ma blonde. Avant de la terminer d'une traite. C'est en la levant une dernière fois que j'aperçois du sang sur une de mes mains. Mince, j'ai dû me blesser stupidement sans m'en rendre compte. Je lèche le sang sur la main mais n'aperçoit aucune plaie. Je reste perplexe. Mon nez, c'est mon nez qui saigne. Je cherche un mouchoir pour l'essuyer mais je n'en porte pas sur moi. Encore moins ma blonde après l'avoir tout de même regardée. Je rentre pour trouver n'importe quoi qui puisse essuyer mon nez, mais, par réflexe je l'essuie avec ma manche. Je rentre tout de même et en avançant dans la pièce je glisse et me retrouve au sol. Je me retrouve dans une mare de sang. Bon Dieu, que s'est-il donc passé ? En tournant la tête je remarque un corps inerte à mes côtés. Je me vois inerte à mes côtés. Je suis abasourdi. Je me relève trempé de sang. Je ne sais plus quoi faire. Que nous reste-t-il à faire quand on s'aperçoit inerte et entouré de son propre sang. Je me dirige donc vers la porte d'entrée, jette un dernier coup d'oeil à moi-même au sol et je sors. Ça va mieux. Je crois que mon dernier esprit a réussi à s'échapper.

Vendredi 4 février 2011 à 10:49

 Depuis la mort d'une overdose de mon père, je me suis juré de ne jamais tombé dans cet univers. Mais j'ai également réalisé que, dans ce monde, c'était chacun pour sa gueule : les gens en ont rien à foutre des uns et des autres. J'étais jeune et avec toute cette colère qui est venue en moi j'ai commencé à partir en couilles, je me suis éloigné de ma mère et j'ai traîné dans les rues. Vols, violences, délinquance. J'ai commencé à me faire une réputation de tête brûlée, je n'avais peur de personne et fonçais tête baissée à la moindre embrouille. J'ai appris à me battre comme ça. Tout en ayant horreur de ces toxicos et autres camés. Vers seize ans on commençait même à me payer pour régler les comptes à certaines personnes. Etant parti de chez ma mère et ayant besoin d'argent pour survivre, je me suis mis au service d'Ernesto, un p'tit mac, dealer notoire. C'était contre mes idées de servir la drogue mais ça me permettait de me défouler en remettant en place certains camés ou autres petits dealers de quartier, ceux qui coupaient leurs dopes pour en tirer un max en espérant que ça passe inaperçu. Mais, ici, tout se sait au bout d'un moment. Je me suis ainsi lié d'amitié avec Ernesto surtout qu'il s'intéressait, tout comme moi, à la boxe. Cela a duré un certain temps jusqu'à ce qu'un manager d'un petit club de boxe me repère, et voulant me sortir de ce milieu me prend sous son aile à condition que j'arrête les conneries. Je me suis rangé et j'ai commencé à faire quelques combats amateurs clandestins qu'on me payait au noir. Je l'appelais "The Rock" pour sa ressemblance à Rocky Marciano, et je savais pertinemment que Jake n'était pas son vrai prénom. C'est comme ça que je me suis calmé et c'est lui aussi qui m'a ouvert les yeux et converti au catholicisme. C'était mon nouveau père, un père spirituel. La plus belle période de ma vie. Jusqu'à ce qu'il parte. Trop vieux pour rester là, il est parti, a revendu son club, mais ne pouvant pas m'emmener il m'a trouvé un boulot chez Frank. Il m'a dit, à ce moment-là, que je saurais trouvé ma voie travaillant dans ce café. Je lui en ai voulu, sur le coup, quand j'ai réalisé que je suis tombé en plein milieu de ce monde de camés. Mais c'était fini le temps où j'y allais aux poings pour contester la mort de mon père. J'avais changé. Et je me répétais les paroles de "The Rock". J'ai mis du temps mais j'ai réalisé que j'étais justement là pour eux. Fini le temps chacun pour sa gueule. Je me devais de les sortir de là. Ou, tout du moins, un maximum. J'ai compris au fur et à mesure que je ne devais pas leur tendre la main mais attendre qu'ils viennent à moi, et ça, ça prend encore plus de temps, malheureusement.
Je ne peux peux pas partir tant que je ne me serais pas rendu utile. Si je pars, je me sentirai coupable, d'abord de les abandonner et envers The Rock qui attend à ce que je réalise quelque chose de ma vie. Ensuite seulement je serais libre d'aller où bon me semble, et, surtout, de revoir ma mère pour lui demander pardon. Mais si je n'accomplis rien, elle ne pourra pas me pardonner.

Samedi 29 janvier 2011 à 15:33

 Grosse nuit encore une fois, je crois que je vais annuler tout ce que j'avais prévu de la journée pour dormir et récupérer un maximum. J'aurais encore cette impression de ne faire qu'une sieste entre deux nuits de boulot, mais j'ai vraiment besoin de ça aujourd'hui.
Même si ce n'est pas en accord avec la maison, il y a toujours des ardoises. Difficile de savoir quand on sera vraiment payé mais la plupart sont les seuls clients réguliers.
La Tige est interdit d'accès, à force de partir sans payer il nous doit plus de 20 dollars. Vap'Man, comme à son habitude s'endort devant son café. 10 cents plus les 60 de la semaine. Il ne paiera jamais la totalité du premier coup assuré que comme il ne touche pas son café il n'a pas à le payer. Le Chat, un Pepsi et deux cafés donc 35 cents. Il est parti comme une furie ce soir. Bob - qui me doit 20 cents - n'a même pas compris sa réaction. Judith ne veut pas payer les deux thés, 16 cents, de son pote mais je vois à quoi il ressemble même si son nom m'a échappé. La seule à être réglo est bien sûr celle que je supporte le moins. Cette catin qui se prétend catholique en se baladant avec sa croix sans cesse et qui fait le trottoir à longueur de journée. Anne pourrait mieux finir, ce n'est pas la plus stupide de toutes les putes du coin. Elle avait un avenir qu'elle a préféré gâcher. Bref, il y a encore eu quelques trafics devant le café, quelques types bourrés, défoncés, ne tenant plus debout et ce fameux philosophe clochard, Al. On peut dire qu'il était bien le seul à égayer cette nuit entre tout ce petit monde dépravé. La plupart je les ai à l'oeil et ils le savent. Au moins une chose qu'ils comprennent dans mon café : pas de trafic, pas de conneries égalent pas d'emmerdes.
Ma tête est sur le point d'exploser. J'ai vraiment besoin d'une bonne dizaine d'heures de repos. C'est bien tout ce que je peux me permettre d'ailleurs.

Jeudi 27 janvier 2011 à 17:05

 Encore une fois, j'ai eu bien du mal à me lever. Ce travail de nuit commence à m'éreinter et j'ai toujours du mal à supporter ceux qui fréquentent le café. Toujours les mêmes, toutes les nuits, tous complètement défoncés par le premier truc qui leur tombe sous la main quitte à en payer le prix voire de leur corps. Ces mecs qui ne parviennent plus à tenir debout. Ces femmes souillées par n'importe quel péquenaud. Et vice versa. Et tout cela me fatigue. Je me sens fatigué physiquement et psychologiquement. J'ai beau avoir envie de sortir quelques personnes de ce merdier, je n'en sens pas le courage et vient seulement le dégoût car je ne peux rien y faire. C'est comme ça. Tout simplement. C'est comme ça que ça se passe ici. Et quand un type s'en sort ou qu'il meurt, un autre plus jeune vient prendre sa place. Quand je prie pour, ne serait-ce que l'un d'entre eux, qu'il se réveille et se relève la tête droite, marchant droit sur un chemin moins sinueux, je me dis autant devenir dealer. Au moins je contrôlerais le flux de dope qui circule dans le café et donc le quartier. Cette nuit ils étaient tous amorphes, avachis, affalés, mous et  ne pensent qu'au peu d'argent qu'ils dépensent dans la drogue et au sexe qui leur permet de récupérer encore quelques doses. Néanmoins, grâce à eux, je sais que je peux aller plus loin dans la vie. Mais aller où ? Autant me perdre dans une rue sombre et faire un dernier voyage dans leurs délires. Ne jamais revenir, abandonner ce café, cette vie, cette merde. Ces cons, au fond, j'les aime bien, j'm'y attache. Je ne peux pas les supporter. Mais je sais qu'ils ont quelque chose au fond de leur coeur mais ils ne se rendent pas compte de tout ça tellement la dope les bouffe dans tous les sens du terme. Ils ont besoin de moi comme j'ai besoin d'eux. Ce qui me donne l'impression que le café m'appartient plus qu'à Frank. Ils forment un tout. Et je fais partie de ce tout.

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