Mercredi 27 juin 2007 à 0:02

Une boîte aux lettres s'ouvre. Avec des lettres étalées de tous leurs longs, les unes sur les autres, voyant une main s'approcher lentement pour les rassembler et les empoigner. Elles décollent avec délicatesse de cette boîte. Et un geste vers le ciel, embué de paroles : « Vole, volez, volez petites lettres, je vous rends la liberté…Liberté ! »…

Plus tôt, cinq heures et cinquante-neuf minutes, des gémissements dans les draps noirs d'un lit, dans une chambre aux murs noirs, pas de fenêtre. Un type suffoque dans ses draps, les yeux noirs, les cheveux noirs, dans son pyjama noir, se relève de ses rêves agités. Six heures, le réveil sonne. Debout devant un mur, le peigne à la main, le type se recoiffe, cheveux en arrière. Un bouton, deux boutons, il déboutonne son haut de pyjama et le laisse glisser le long de ses bras, il suffoque. Pas de porte. Six heures et trois minutes, il ouvre les yeux. Pas de sortie. Le téléphone sonne. Il répond. Personne au bout du fil. « Je suis un homme heureux, je suis joyeux, la vie est belle »…

Il est sept heures et une minute, il est temps, l'heure est toujours là à temps, jamais de retard, jamais. Le pot de peinture blanc, les pieds dedans, un bain éclatant pour une belle journée. Si jamais il me viendrait à mourir à ce moment-là je dirai : « Quoi de mieux pour un mort que de rêver d'une autre vie ? »…

Je suis ce type, ma montre est arrêtée à sept heures et trente-trois minutes. Ma main glisse le long du mur jusqu'au bout, au sol, au coin de la pièce. A genoux, je tire la cordelette qui pend laissant une peinture rouge s'abattre sur moi : « Quelle est cette folie qui vient hanter mon esprit ? »…

La porte s'ouvre, il est huit heures. Pile poil. L'eau est chaude. La boire et attendre le courrier. L'eau est chaude, trop chaude pour moi. J'ouvre les yeux, de l'autre côté. Je vois mon cerveau qui tourbillonne, je vois le sang qui va et vient, je vois mon âme qui ricane de mon esprit. J'en pleure, à l'intérieur. Ça donne envie de pisser : « Pas le temps de relever le couvercle, la serviette est mouillée »…

Je sèche, l'heure ? Ce type, ce type est de retour à chaque fois que je croise cette fenêtre, quand je vais voir l'heure, il me dit d'attendre. Il est huit heures et quarante-huit minutes. Il ne me reste que très peu de temps, peu de temps. Et ce type ricane, comme mon âme : « Si tu étais levé plus tôt. Le soleil ne t'attendra pas. »…

Mon cerveau remue, j'ouvre les yeux de l'autre côté, il dégouline, il se vide, j'en tremble, mon cœur s'emballe, pas de cadeaux pour moi ce matin, je m'effondre sur le carrelage luisant. Ce type est de retour : « Debout, tu vas être en retard »…

Neuf heures et cinquante-neuf minutes. Un moteur, un homme, un sac et des centaines de lettres. Les boîtes bouffent et attendent l'indigestion. Miroir, ô mon miroir, dis-moi l'heure. Dix heures. J'ouvre la porte, un pas en avant, un deuxième, j'enjambe le type, la boîte s'approche de moi. « Si tu ouvres ton cœur à ton cerveau, tu goûteras enfin à la… »

Les lettres s'envolent. Vers le ciel, vers ce type.


Mardi 26 juin 2007 à 19:50

Nuits Encensées


Je. J'aurai pu me représenter sous une autre personne. Dire que j'étais lui, lui, qui était là, et, moi qui racontait ce qu'il a vécu. Un point de vue extérieur, mais, comment donner une opinion extérieure quand tout se passe de l'intérieur ?

J'étais, le suis-je encore, peut-être, unique, mais, comme tous les autres. Le matin, je découvre, ébahi, la lumière qui parvient à passer entre le mur et le volet de ma chambre, fermée, elle, à double tour. Dans mes couettes défaites, je tente de faire de même pour me sortir de mes rêves éteints depuis quelques minutes. J'ai chaud. Il est sept heures, il est tôt, nous, nous ? Pourquoi nous ? Je suis dimanche. La fumée de l'encens indien de la veille est encore là, mes yeux, aussi, sont enfumés, un brouillard matinal pour se sortir de la pénombre nocturne. Mon premier geste, après avoir réussi à me relever, et à tenir debout, sans les mains appuyées contre le rebord de la fenêtre à contempler mon volet. Non. A me contempler. A contempler mon non reflet sur la vitre. Un autre moyen de contempler son âme. Je suis vide et je me dirige vers mon bureau, je m'assieds, je passe ma main, car je n'ai que celle-là de disponible, dans mes cheveux ras, une poussière de pellicule doit sûrement se dégager de là, j'ai la main grasse, les cheveux sales, aussi, mais, j'ai beau parler, il ne se passe rien, comme chaque matin, chaque matin est un dimanche à sept heures où mon rituel est d'attendre que je me réveille, j'ai l'impression de ne pas dormir de la nuit, et, pourtant, je rêve. Mes rêves me fatiguent.

Quoi de mieux, pour une personne de mon âge, que d'aller à l'université ? J'ai soif de connaissance. Je suis assidu en cours, jamais un étudiant n'aura été plus présent en cours que moi, et, pourtant, je n'avance pas, je patine, mes pages se remplissent de mots pendant qu'un homme, ou une femme, parle, sans arrêt, de choses, d'autres choses, parfois de leur vie, voire de rien, de quoi ? Je ne sais pas. Je n'écoute pas, j'écris. Mes pages se remplissent de mots. Des mots qui s'enchaînent. Tous ont un sens, mais, ensemble, ils ne veulent plus rien dire. Un peu comme le groupe dans lequel je me trouve. Entre deux cours, il nous arrive. Il m'arrive, parfois, d'avoir du temps. Certains se rassemblent, en cercle, pour discuter, pour passer le temps, pour travailler, réfléchir, débattre, rire, pour rien, parce que cela ne se fait pas d'être seul. Je prends mon temps, pour moi, j'ai toujours le temps, pour moi, parce que je suis toujours seul, sûrement. En cours, je suis au fond, pour voir et ne pas me faire voir, caché dans mon coin, je me replie. La sociabilité, en étant réservé ou timide, n'est pas facile dans un tel établissement, il m'est donc facile de me mettre à l'écart. Je suis l'inconnu aux multiples surnoms car personne ne le connaît, mon nom, mais pourrai-je le leur donner ? Parfois, certains tentent de briser cette montagne qui me sépare de ces êtres, on vient me bourdonner quelques mots à l'oreille, je ne suis pas sourd, mais, mon oreille l'est. Et ils repartent dans une nouvelle défaite face à mon insensibilité. Mon insensibilité face aux hypocrites cherchant des bouche-trous de service pour une heure, pour passer le temps et éviter de s'emmerder durant un cours qu'ils ont choisi de suivre mais la réalité est trop dure pour eux. La réalité n'est douce pour personne. Sauf quand on l'oublie. Il est midi, je suis midi, je ne mange pas, je n'ai pas faim, je mangerai plus tard, quand la faim viendra. Je ne me plie pas à ces habitudes de manger selon l'heure et non le ventre. Je traîne donc dans les couloirs, l'herbe des parcs, les bancs des cours et j'use, chaque jour, le gaz d'un briquet pour garder la forme. Si j'ai le temps, et je l'ai toujours, le temps ne se perd pas, je retrouve mon vendeur pour une nouvelle boîte d'encens que je consumerai le soir.

Les cours reprennent et se terminent. Naturellement, je ne m'éternise pas sur ce sujet. Chacun rentre chez soi ou court vers le bar le plus proche pour se prendre une bière entre amis en jouant au tarot, mais, comme la majorité des étudiants, je vais à l'arrêt de bus. Un bus toutes les quinze minutes. Quinze. Je rate mon bus, oui, le mien, naturellement. Je suis à une petite heure de chez moi à pieds, quatre bus, je décide de rentrer chez moi, mes quatre bus sauront s'occuper sans moi. Je prends le chemin des écoliers pour retrouver mon intimité. Deux heures. C'est plus long. Je passe par les petites ruelles noires même en plein jour. Les petites ruelles noires. Comme quand je plonge dans mes pensées : je n'y vois rien et je n'ai rien pour m'éclairer, je fouille à l'aveuglette, je tâte de mes mains ces pensées parfois impensables impalpables inexistantes. C'est un peu chez moi, ces ruelles sombres, je n'y vois rien, je ne fais que longer le mur de cette pierre lisse, et, parfois, je touche quelque chose, jusqu'à ressortir, la lumière qui ne m'éclaire pas, non, elle ne m'aide pas, elle m'éblouit. Je me sentais mieux dans le noir.

Chez moi, enfin, après cette longue journée d'études remplie de rebondissements, d'activités jouissives, de lutte pour combattre les autres. Chez moi. Je suis tranquille. Seul. Je m'enferme, toujours. J'ai faim, je me prépare un plat, sans oublier d'allumer quelques bâtons d'encens, je m'enfume. Je cuisine, un minimum. Je mange équilibré, j'ai, peut-être, l'intention de vivre longtemps. A table, ou plutôt sur le tapis, un beau tapis de je ne sais quelle origine qui meuble la pièce centrale de mon appartement, un simple tapis, entouré de bâtons d'encens, un tapis, au milieu duquel je mange mon plat avant de m'allonger, avant de saisir la mini télécommande dont je n'utilise qu'un seul bouton pour mettre ma musique en route. Douce, calme, brutale parfois, mais, surtout, enivrante. Je me saoule de cet instant en absorbant toute cette fumée, et, en inspirant, ce son. Je finis par m'étendre, sur le sol, et, les yeux fermés, je contemple mon plafond, oui, je le vois.

Je ne sais exactement quelle heure il est, pas trop tard, normalement, je me relève et titube, ivre de mon repos, vers ma chambre, je retrouve mon lit et ses couettes à l'envers, mes oreillers par terre, mes quelques posters déchirés, mon volet fermé, mon bureau où règne un capharnaüm inimaginable. C'est drôle. Ha ha ha. Oui, riez. C'est comme dans ma tête, plus rien à y comprendre, c'est le bordel. Je ferme ma porte. Je m'installe à mon bureau, le mien, je reprends mes copies inondées d'encre noire, et, je réécris, au propre, dans des cahiers, des cahiers qui s'amoncellent, un peu partout autour du bureau, certains sont vierges, d'autres pleins, ou, entamés. Tout cela donne soif, heureusement, j'ai un mini frigo, rempli de thé glacé, fait maison, bien sûr. De quoi étancher ma soif un court moment. Court, car j'ai toujours soif, ma soif de connaissance n'est jamais alimentée, alors je bois. L'heure tourne. Le temps tourne, ma tête tourne avec lui. Le temps et moi tournons dans notre labeur, sauf que je fatigue, le temps ne se fatigue pas, lui. Epris de fatigue, je me relève donc de ma chaise, mes fesses, elles, se sont déjà endormies sur celle-ci, je titube jusqu'à mon lit, enfin, je n'ai pas le temps de tituber que je me retrouve déjà dessus. J'ai oublié d'éteindre la lumière, je débranche donc la prise, juste à côté de mon lit, pour, enfin, laisser la pénombre s'abattre sur mon corps, pour laisser mon esprit se faufiler dans le monde de la nuit, pour me laisser mourir dans les bras de Morphée. La tête à l'envers, les mains retournées. Je m'endors.

Tu. Tu es là, devant moi, lorsque je rouvre les yeux, quelle n'est pas ma stupeur de te revoir, toi, ici, en ce jour, un dimanche ? Je suis ébloui, si tôt, tu as ouvert mon volet, je vois, pour la première fois, ce dépotoir, non, cette chambre, combien de temps ai-je dormi ? Longtemps, trop longtemps, ai-je l'impression. Mon tapis, toujours là, ouf, mais tu es là, devant moi, un dimanche, tout est prêt, le café, je n'en bois pas, je n'aime pas ça, tu le sais bien, son odeur me donne la nausée. Une tasse de thé me suffira, avec un bâton d'encens. Tu me prends par le bras, je ne sais où tu m'emmènes, j'ai juste le temps d'enfiler un pantalon, non, je ne l'ai pas retiré hier soir, je suis encore habillé. Tu me tires par le bras, dehors, sur le balcon, j'ai un balcon ? Là, devant moi, la ville, cette lumière éblouissante, chaleureuse, je sens cette chaleur contre ma peau qui me réchauffe, je sens ta présence à côté de moi qui me réchauffe, je sens comme un sourire qui me monte à la tête et je danse, je danse de voir toute cette lumière enivrante, cette chaleur réconfortante, je saute du haut de mon balcon et m'envole vers d'autres cieux, je m'élève au plus haut des cieux comme pour m'asseoir sur le trône d'un dieu. Cette fois, je te prends par le bras, je t'emmène au milieu des gens, là, je te prends dans mes bras, je pointe le ciel de mon doigt, le soleil est là, mais il ne nous éblouit pas, il nous éclaire. Sur la pointe des pieds. La Terre descend. Des petits points, les gens s'en vont. Nous voilà, enfin, dans notre monde. Dans mes bras, je t'enlace, nous fondons, nos corps disparaissent en une seule et même poussière d'âme.

Nous sommes face à face sur ce toit, cette terrasse, où l'on a vue sur tout, aux serveurs grouillant de tous les côtés, gesticulant et grondant comme un train arrivant en gare, mais je n'entends que toi, tu me parles, tu es là, devant moi, face à face, je ne sens plus mon corps, tu es là, c'est tout ce qui m'importe, c'est tout ce que je veux.

Soudain, une folle, accompagnée d'un rat énorme, débarque devant nous, elle nous sépare d'un geste brusque en hurlant des phrases incohérentes à nos oreilles, je ne lui dis rien, toi non plus, nous l'écoutons, ses paroles sont insensées mais nous les comprenons, une femme en folie accompagnée d'un rat raisonné, elle a perdu la raison, ou, plutôt, un rat s'en est emparé. Un serveur intervient, me tend un couteau, tu me le prends, je te l'arrache des mains, ça me perdra, je le sais, je me coupe le bout du doigt, une goutte de sang coule sur le tapis, en dessous de notre table, le tapis est tâché. La femme continue de meugler, le rat assis me fixe dans les yeux, je suis tétanisé. Tu me reprends le couteau, je ne bouge pas, tu te regardes dans le reflet du couteau, tu ne vois rien, tu te penches sur le rat, tu le poignardes.

Je rêve. Je me réveille. Au restaurant, tu me parles d'un vieux rat qui court dans les combles de ton immeuble, et, de cette femme appelant à l'aide pour des bruits suspects. Je me contente de serrer ce couteau de la main droite. Je suis gaucher, c'est perturbant.

Tout est confus dans ma tête, tu le sais. Je t'emmène, et, tu m'emmènes, nous nous emmenons. Nous retournons à l'appartement. Là, on y sera au calme, je le sais, tu le sais. Mon tapis, quelques bâtons, face à face, assis en tailleur, je tends ma main vers toi, tu tends la tienne vers moi. Parfait. La fumée inonde la pièce, le tapis se gonfle, je ne sens plus mon corps, seulement ta main contre la mienne. Le jour s'en va. Je ferme les yeux, tu fermes les yeux, nous fermons les yeux.

Je me réveille, le sourire aux lèvres, le volet est fermé, ma chambre également, à double tour, il est sept heures, il est dimanche, je suis perdu, encore, dans mes couettes, je ne suis pas seul, non, je sens une présence, je sens ma présence, je suis avec moi-même. Je. Il. Il se lève, perdu dans ses pensées, dans mes pensées, le brouillard dans ses yeux, il se regarde dans la vitre. Il me regarde dans la vitre, son non reflet. Il s'assied à son bureau, contemple ses cahiers, ce que de ma main il a écrit, il ne comprend pas, il n'a jamais compris. Il cherche une main, il n'y a que la mienne, pour se la passer dans mes cheveux sales. Je suis son fantôme, mais il n'est pas mort.


Dimanche 3 juin 2007 à 12:51

Un jour, j'ai eu une importante illumination, une lumière qui traversa mon esprit comme un éclair. A ce moment-là je pensais à la mort, mais, surtout à ce qui pourrait se passer après la mort. Tout le monde a déjà réfléchi là-dessus, un jour ou l'autre, la lumière blanche, le paradis, l'enfer, le nirvana, la réincarnation, mais, je me suis demandé quelle vie pourrait-on avoir après la mort, sans aucune considération métaphysique, religieuse et j'ai eu un vide, un vide dans ma tête, dans mon esprit, comme quoi après la mort, il n'y a rien, que du noir, notre esprit se sépare de notre corps et se désintègre n'ayant plus d'apparence, ni d'un corps concrètement, ou, tout simplement, il n'y a rien de tout cela, notre corps pourrit et nous disparaissons, pfuit, plus rien, rien, rien...rien. Nous devenons poussière, nous n'avons plus la capacité de bouger, de penser, de vivre, nous sommes vide...

Je peux vous dire que c'était impressionnant de ressentir ce vide dans ma tête, en quelques secondes, je m'étais vidé, et me suis entre aperçu des conséquences de la mort, quand j'ai repris mes esprits je me suis dit "Whoua", et cela confirme que la religion n'est là que pour rassurer l'Homme dans sa vie pour qu'il n'ait pas peur de la mort...

Ce sujet m'amène évidemment quelques souvenirs, assez sombres, glauques, morbides, bien que tout ceci s'est passé une chaude soirée d'été, en Allemagne...

Je me trouvais dans une ville, dans cette Allemagne non loin de la frontière française, le soleil venait à peine de se coucher, pourtant il était déjà assez tard, je traînais dans des rues peu fréquentées, peu éclairées, et, c'est dans cet endroit très cliché qu'un évènement, ayant marqué ma jeune vie à jamais, va se réaliser...

Un homme m'interpelle, je ne parviens pas à distinguer nettement son visage, mais, il paraissait très sale, des vêtements usagés, et une voix caverneuse, abîmée par l'alcool et la cigarette. Il me demande, en allemand, sur un ton non sympathique si j'ai du feu, étant pressé et ne voulant pas avoir affaire avec ce genre d'individus je réponds que non, mais, il me rattrape, me saisi et me plaque contre le mur, j'ai peur, mon coeur commence à battre intensément, et, raconter ceci me fait le même effet. Je lui demande ce qu'il me veut, il ne comprend pas un mot de mon français, mais commence à voir mon air apeuré. Avec mon allure, et, sachant que je suis un étranger, il devait penser que j'étais un vagabond perdu, sans famille, sans papiers et il voulait s'amuser avec moi, si j'en crois son grand sourire laissant apparaître des dents gâtées et une haleine horrible. J'ai pas le temps de réfléchir, tout cela s'est passé en quelques instants, j'avais à peine le temps de cligner des yeux, qu'il commence à sortir un cran d'arrêt de son manteau usé et à me le pressé sur la gorge, je ferme les yeux, et là, toute ma vie commence à défiler, j'avale ma salive, j'entends mon coeur résonner dans toute ma poitrine, et, je me dis "Je suis perdu"...

L'homme commence à presser plus fortement, et, bouge sa lame d'un côté à l'autre, ça brûle, je saigne, il voit la peur dans mes yeux, pourtant, mes bras pendent, mais, ils sont très lourds, pendant qu'il baragouine des mots incompréhensibles en allemand, j'ai eu une petite montée d'adrénaline, et, d'un geste rapide,précis et violent, je lui enfonce mon genou dans ses testicules, à cet instant précis, je lui retourne le poignet, saisis son couteau, et, profitant d'un petit instant de déséquilibre, je le fais basculer sur le dos...

Maintenant, j'aurai très bien pu fuir, prendre mes jambes à mon cou, sans me retourner un seul instant, jusqu'à l'épuisement, mais, l'adrénaline étant monté violemment, brusquement, je me suis laissé guider par mes pulsions. A cheval sur lui, je brandis la lame, et, la plante d'un coup sec dans son coeur (ou l'emplacement où était supposé être son coeur), il crie, je mets ma main sur sa bouche pour le faire taire, et il commence à me mordre, je pousse un petit cri à mon tour, et, instinctivement, je retire le couteau et lui replante dans la gorge, sur le côté, du sang jaillit, il ne bouge presque plus, seulement quelques gémissements pendant quelques secondes, jusqu'à son dernier souffle, ses yeux sont grand ouverts...

Je me suis jeté en arrière, je suis resté assis durant quelques minutes, je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas quoi penser, je me suis mis à me remémorer ma journée, mes derniers bons moments, je me suis mis à sourire, puis, j'ai rouvert les yeux, et, j'ai revu son cadavre gisant sur le bord du trottoir, pas un bruit, pas une lumière mis à part un ou deux lampadaires, je n'ai pas réfléchi, je n'ai pas réfléchi un seul instant, j'ai pris mes affaires, récupéré le couteau, et, j'ai couru, il y avait du sang sur ma veste, je l'ai retournée, mes mains étaient couvertes de sang également, mais, je continuais de courir, sans cesse, jusqu'à la sortie de la ville, jusqu'à trouver un petit ruisseau, quelconque plan d'eau dans lequel je pouvais me laver, après m'être nettoyé, je me suis allongé, j'ai vomi de tout mon corps, et, j'ai passé une nuit horrible...

Chaque fois, chaque instant où je fermais les yeux, je revoyais la scène, je revoyais son corps, tout ce sang, j'ai cru devenir totalement fou, mon coeur ne cessait de battre à toute vitesse, et, j'avais ces petits vertiges, lorsque je repensais à tout cela...

Je venais de tuer un homme, je venais d'ôter la vie à une personne, j'avais une main écrabouillée, une gorge blessée, une boule dans cette même gorge, mais, j'ai tué...

Pendant plusieurs jours, je ne savais où j'allais, cette soirée n'arrêtais pas de me hanter, j'en faisais des cauchemars, même éveillé je cauchemardais sans cesse...

Pour quelles raisons, pour quels motifs, par quels moyens, j'avais agi de la sorte, l'adrénaline, la peur, les pulsions, le sentiment d'être perdu, tout cela, tout cela et le fait que c'était lui ou moi...

Quand je me suis dis, quand j'ai réalisé que c'était lui ou moi, j'ai eu un soulagement, en quelque sorte, mais j'aurai pu fuir, aucun de nous deux seraient morts, là est le problème qui persiste encore actuellement, heureusement, depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, pourrait on dire, et, je me dis constamment "C'est peut-être mieux ainsi"...

Je n'ai pas eu d'écho de cette affaire, et, j'avoue ne pas avoir cherché à en trouver...

Voilà, voilà la raison pour laquelle je préfère rester si mystérieux, maintenant, je pense que vous aurez une vision différente de ma personne, et, peut-être même que vous ne préférerez pas me connaître davantage...

Et, je ne peux dire que ceci est une expérience à avoir, mais, lorsqu'on l'a vécu, nous voyons certaines choses différemment. Comme, parfois, je me fais des petits scénarios, sur les réactions des gens, de l'entourage, si telle ou telle personne venait à mourir ou si tel ou tel individu avait tué...

Tout ceci est matière à réflexion, tout ceci ne peut laisser indifférent...

La vie, la mort, deux choses, deux termes, deux notions, tellement différentes, mais tellement semblables et complémentaires...


Dimanche 6 mai 2007 à 17:12

Il est seul. Il est détesté. Seul et détesté. Cet homme aime. Il aime sentir l'odeur de la rosée du matin, l'herbe fraîchement tondue, la sève des arbres, le craquement des feuilles mortes, la pluie ruisselante, le tonnerre, les éclairs, le pain perdu, le poisson, la viande rouge, marcher seul dans la rue en écoutant une tendre musique, dormir sous un arbre, boire un verre dans un bar enfumé, se jeter dans un tas de foin, monter des escaliers à cloche-pied, les femmes : il aime la vie.
Il est beau, gentil, attentionné, drôle, intelligent, et possède une quantité d'autres qualités qui font de lui un être parfait, mais, il ne peut être aimé…

Il est maudit…

Dès son plus jeune âge, quand on apprend à compter, lire et écrire, il subissait cette malédiction : assis, il s'amuse à donner vie aux objets de sa trousse, son stylo plume, son effaceur, son taille-crayon, un petit monde rien qu'à lui qui le tient à l'écart des autres. Ce qui attire l'attention d'une petite écolière, curieuse de voir un tel garçon s'isoler des autres. Les petits amours d'écoliers, les amours que l'on avoue qu'une fois adulte. Elle passe son temps à le regarder, à s'imaginer des histoires. Il continue de faire évoluer son monde, sa trousse est une station spatiale. Elle tombe amoureuse de lui. Elle garde cela dans son cœur, dans sa tête, et écrit son nom dans son journal intime, le petit journal rose avec des cœurs, et des mots doux à son attention. Sa trousse devient un autobus intersidéral. Après plusieurs petits carnets roses plein de cœurs, après une ferme martienne et un monstre galactique, elle traverse une rue sans regarder et un camion la fauche.

Au collège, son monde a bien changé, il a changé sa navette spatiale pour une nouvelle trousse. Quand on apprend que l'Homme s'entretue, il prenait sa malédiction pour de la malchance. Il est toujours dans son monde. Il cache dans ses poches des petits bouts de papiers en boule sur lesquels il écrit un mot, des petites pilules qui le calme quand son humeur se détériore. La préadolescence et les premières questions qu'on se pose, les personnes qui s'introduisent dans son petit monde, celles qu'il laisse entrer, la découverte du sexe opposé. Les filles. Elles sont curieuses de voir un garçon qui ne se laisse pas faire, qui assume son comportement, sa personnalité, son physique. Elles l'observent, elles en parlent entre elles, elles se jalousent, elles se battent pour qui va l'avoir en premier. Il avale ses pilules en papier et arrache une manche son t-shirt. Elles n'osent lui parler, trop impressionnées, trop peur de sa réaction. Son monde évolue, des phrases se construisent sur les bouts de papier, il n'ose pas parler aux filles, elles sont si différentes. Elles parlent de ce garçon à leur peluche intime, la peluche à qui on dit ce que l'on n'ose dire, la peluche qui ne juge pas, la peluche qui permet aux filles de lever un poids sur des questions sans réponses. Vient de là, peut-être, la maturité précoce des filles : des conseils silencieux de leurs peluches intimes. Il avale trois pilules de papiers après avoir remis à sa place un type qui voulait ses baskets. Elles n'en peuvent plus et viennent lui dévoiler leurs sentiments par une lettre anonyme et parfumée. Il sourit jusqu'aux oreilles, et s'endort le soir, l'esprit heureux de se savoir aimé. Le lendemain. Une fille s'est taillée les veines dans sa baignoire juste pour savoir comment ça fait. Une deuxième est décédée d'un accident de voiture après un restaurant avec ses parents. Une troisième a subi la colère de son père, la tête fracassée contre l'écran de télévision. Une quatrième a mangé la mort aux rats qui traînait au fond du garage. Une cinquième poignardée par un violeur furieux.

Le lycée, un nouveau monde, son nouveau monde, son nouvel eldorado, son nouveau paradis ? Tout a encore bien changé chez lui. Il a jeté sa trousse usée et trouée. Mais sa tête voyage toujours, dans les nuages, dans l'espace, dans le vide. Quand on apprend que vivre n'est pas comme dans les films, quand on réalise que Dieu n'est qu'un avatar de la bêtise humaine et que la Liberté ne se trouve parfois que dans la Mort mais que le suicide n'est pas une libération. Quand on balance entre l'insouciance de l'enfance et la violente réalité. Quand on a toujours l'Espoir dans l'inespéré. Il vit toujours dans son monde, un monde qui s'agrandit, un cœur qui s'agrandit quand il tombe pour la première fois amoureux. Une fille, comme lui, distante, qui ne regarde pas les gens dans les yeux, car c'est au fond des yeux qu'on voit la véritable personnalité. Une fille assise au fond de la classe et qui gribouille sur son papier, la tête baissée, les cheveux devant les yeux, son pied gauche qui tape tout le temps sur le sol à un rythme irrégulier, son nez qui respire l'hypocrisie de ses camarades de classe. Elle n'a pas d'odeur. Le soir, il se fait des films, il s'imagine la rencontrer, il s'imagine lui parler, il s'imagine. Il rêve. Un jour, après deux ans d'amour secret, quand tous les groupes d'amis se rassemblent dans leur QG sur le parking de lycéens, entre chaque bancs, elle, assise au pied d'un mur, attend. Il sort, claque ses deux pieds et s'envole sur le toit du lycée, il rouvre les yeux et avance vers elle, il déballe tout. Elle accepte. Ils claquent des pieds et s'envolent sur le toit du lycée. Ils rouvrent les yeux, se sourient et s'embrassent. Il est heureux, elle le découvre, elle l'apprécie, elle l'aime, elle meurt.

Il réalise, depuis tout ce temps, depuis tout petit. Il comprend la mort de sa mère à sa naissance, la fuite de son père quelques mois plus tôt. Ces filles mortes. Il doit vivre avec cela.

Son monde s'évanouit. Des femmes meurent autour de lui, par amour pour lui, inconsciemment. Il veut dire stop. Il pense aux différentes solutions. Mourir. S'enfuir. Se faire détester. Il change, envers elle, il devient odieux, insolent, insultant, les rabaisse, les insulte. Et il décide de ne plus aimer. Il sort le soir, dans des bars à poissons, pour se fourguer une nana pour un soir, pour une baise dans une chambre, l'amour jetable. De quoi se satisfaire sans provoquer la mort. De quoi tenir le coup pour ne pas désespérer.

Jusqu'à quand ?

Jusqu'au jour où une femme menace de l'aimer, une femme incarnée par sa personnalité. Il ne peut pas ne pas l'aimer mais il ne peut pas la tuer. A quoi bon. Son monde n'est plus depuis longtemps. Elle ne l'aime pas. Il ne l'aime pas. Mais ils se rencontrent, se parlent, font l'amour sans amour et s'avouent tout.

Il avoue sa malédiction. Elle avoue que chaque homme qui l'aime meurt.

Leurs mondes ont disparu depuis des années. Depuis qu'ils ont réalisé. Et ils se sont trouvées, pour bâtir un nouveau monde, un monde pour deux, un monde pour s'aimer, un monde pour mourir, ensemble.


Jeudi 19 avril 2007 à 18:49

Nous, les terriens, les êtres humains, nous sommes si différents alors que nous sommes pareils. Ah. Ou nous sommes tous pareils mais si différents. Sous plusieurs couches de graisse, de peau, d'écorce, de je ne sais quoi, nous pouvons voir au fond de chacun une vérité, encore faut-il avoir les outils pour voir cette vérité. Mais, nous, êtres humains, sommes totalement différents, et, cela, personne ne peut le nier, des fourmis, ou des cochons, des hirondelles, du reste du monde. Physiquement, cela m'est impossible de tout vous dire, parce que tout vous dire, serait révéler la solution, or, je n'ai pas la solution...

Nous avons construit notre monde, notre terre, techniquement, nous l'avons plutôt modifié, personnalisé, la nature ne nous plaisait pas alors on a fait couler le béton, pour vivre ensemble telle une véritable communauté pour partager nos vies, pour s'amuser, chanter gaiement et pourrir l'atmosphère. Tout cela, nous en sommes fiers, je suis fier, vous êtes fiers, mais, malheureusement, ensemble, nous ne nous entendons pas, le voisin est trop bruyant, la pute insolente, et les gamins puérils. J'ai déjà oublié mon enfance...

Alors quand je me balade dans la rue, avec toutes ces voitures qui me polluent, les poumons, et mon monde, ma terre, l'atmosphère, avec ces gens qui me croisent, qui m'ignorent et m'écrasent le pied. Nous vivons ensemble, mais nous nous ignorons chacun. Suis-je fait pour vivre ici avec eux, les terriens ?

Un bruit anodin, un cri, nous retourne, nous violente notre paix intérieure, nous sommes surpris, notre regard s'éloigne et on nous violente, nous avons mal...

Voilà, j'étais dans la rue, au milieu de tous ces gens, j'étais dans la rue pour aller au restaurant, un restaurant sympathique avec un menu convenable. Bien qu'un cadre supérieur ne se contenterait pas de cela, mais, pour moi, c'était assez. Je ne promène pas mon chien le midi, quand je vais manger dans un lieu public, avec des gens, du bruit, et des semelles qui claquent sur le trottoir, c'est l'été, il fait chaud, on se laisse aller. Mais, un type n'allait pas manger, lui, non, alors, il pouvait promener son chien, un gros chien. Les chiens à la carrure olympique, ceux qui vous boufferaient le nez en grattant la patte arrière, ou en remuant la queue, mais, bien qu'il soit dressé (comprenez par là qu'on ne parle plus de la queue) il reste assez sauvage, pour un animal domestique, et n'en fait donc qu'à sa tête, pour pisser sur le coin d'un mur. Son maître n'est pas vraiment content, ce ne sont pas des bonnes manières. Nous, terriens, ne pissons pas dans les coins de murs. Il crie sur son chien, mais, dans la rue, nous ne sommes pas seuls, surtout à midi, quand les terriens vont manger. On se retourne, étonnés d'un tel bruit, surpassant les bruits de moteurs, et des talons qui claquent...

"Qu'est-ce qu'il y a toi ? Tu n'as jamais vu un chien de ta vie ?"

Voilà qu'on m'agresse verbalement, on me fait violence, on brise ma paix intérieure, mon coeur ne se sent plus battre, j'ai peur. Cet homme qui promenait son chien et qui m'a surpris en lui criant dessus, je me suis retourné, cela ne lui a pas plu, et il me violente en me criant dessus à mon tour, comme pour retrouver un peu de fierté après s'être laissé faire par un animal domestique...

"Si je n'ai jamais vu un chien ? Non, il est vrai, jamais, alors j'en profite d'en voir un."

Ne voulant pas me laisser faire, ne voulant pas lui laisser la victoire sans une bataille, parce que je suis un combattant, parce que je suis un terrien et qu'un autre terrien n'a pas à me faire peur et n'a pas à me rabaisser, au milieu de tous ces autres terriens...

"Oh pardon, je me suis trompé, en effet, il est probable que j'ai déjà vu ce genre de spécimen. Oh, que le tien est grand."

Je m'enfonce dans la bêtise, selon cet homme, et me menace de lâcher son chien pour me montrer à quel point il est féroce et à quel point un terrien, un être humain, contrôle ce qui l'entoure. Sauf, que le terrien n'a pas inventé le chien, sauf que l'être humain a inventé bien d'autres choses pour survivre sur cette terre, sur ce monde hostile, dans cette nature belliqueuse. Moi, terrien, je n'ai pas peur de ce monde...

"Oui, lâche-le donc que je le voie de plus près."

Il me menace de mettre ses menaces à exécution. Je pense qu'il est temps pour moi, de lui montrer qui a le contrôle dans cette situation. Pourquoi je n'ai pas peur des autres terriens ? Qui sont, pourtant, les plus dangereux. Car nous, terriens, sommes les plus dangereux sur cette terre. Nous sommes l'espèce qui détruit tout ce bouge, nous sommes l'espèce qui s'autodétruit avec un terrible consentement. Nous sommes l'espèce qui s'entretue depuis des millénaires. Nous sommes la pire espèce. Et je n'ai pas peur d'elle, parce que je sais me protéger, je sais comment me protéger. Grâce à nous, terriens. Car notre communauté n'est plus, il faut penser à survivre égoïstement. Je pense à moi pour vivre. Alors je sors l'arme de ma poche, un beau calibre semi-automatique assez puissant pour faire gicler la cervelle du type sur le coin du mur. Oui, nous, terriens, ne pissons pas sur les coins de murs, nous préférons faire gicler la cervelle d'autres terriens sur les coins de murs, c'est plus artistique. Je pointe donc mon canon vers ce type, qui blanchit en un clin d'oeil...

"Qu'est-ce qu'il y a, mon ami ? Tu n'as jamais vu une arme de ta vie ?"

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